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A FLEUR DE PEAUX

A FLEUR DE PEAUX

D’abord l’œil inattentif capte des découpes de formes dans des panoramas accrocheurs. Que perçoit-il au juste ? Des aplats de cuir sertis dans la fluidité de la peinture, un je ne sais quoi rejoué dans l’espace du tableau. L’essentiel est encore invisible pour les yeux. Puis, avec leur dégaine singulière, les tableaux de Florence Boré nous intiment l’approche : le jeu avec les matières – cuir, bois, tissus – invente un grain, une texture, une sensualité qui donnent à toutes ces compositions l’allure de peaux à parcourir. Le visuel et le tactile s’aiment, la couleur de l’heure déplace les lignes, creuse la toile, dessine de nouveaux territoires.

Florence colle, assemble, strie, teinte et peint, trompe l’œil et les automatismes du voir. « L’usage nous cache le vrai visage des choses » écrivait Montaigne.
« Pourquoi te disperses-tu tout le temps ? » s’étonne-t-on souvent parmi ses proches. C’est que Florence Boré a la dispersion heureuse ; aux routes toutes tracées, elle préfère les chemins de traverse ; dans l’espace du tableau, elle taille sa route, la main rêve, le geste expérimente, muse, gambade, revient sur ses pas, se perd, pour trouver ce qu’il cherchait d’instinct. Rien de figé. Jamais. Florence Boré a ce goût de l’aléatoire qui anime la matière. Composer, c’est tout un art : à la fois laisser faire les événements, concéder aux exigences des matières et de l’heure, mais aussi assembler, disposer, habiller la surface du tableau sans qu’il n’en sorte guindé, toujours libre de ses mouvements, toujours plastique. Quand il arrive aux cuirs de disparaître sous les encres et la peinture, nous vient alors cette étrange sensation de tableaux qui pourraient être sans cesse recommencés, la matière devenant à son tour support d’une composition à venir, étranges écorces terrestres soumises à la tectonique des plaques.

Eli Flory